La Contrée des Songes

Cela fait maintenant trois semaines que le cycle du Fléau est fini. Ce cycle s'est achevé, pour une fois, sur une note d'espoir. La paix s'est installée entre les dieux, les atlantes et les hommes. Mais comme lorsqu'on jette un caillou dans un lac, après le premier choc, il y a toujours des conséquences imprévisibles. Ce sont ces moments là que je préfère, là où tout est ouvert, quelques décisions, parfois anodines, ouvrent des portes pour le moins inattendues. Mais contrairement aux humains, j'ai la hauteur suffisante pour apprécier ces moments.

D'ailleurs, j'ai l'intuition que je devrais m'éloigner un temps de l'Empire. Un petit tour par l'Oracle de Delphes, un petit verre du nectar piqué dans l'outre de mon frangin Dyoni, et hop une petite vision. Par delà les flots, se trouve une île bercée par une mer chaude, des températures pour le moins agréables, une légère brise rafraîchissante, une végétation luxuriante, et des habitants très amicaux. En gros, un Élysée sur Terre, c'est à rendre jaloux mon oncle ça. Que demander de plus ? Mais ce que peu de citoyens de l'Empire savent, c'est que là-bas se trouvent d'autres humains qui ont un style de vie pour le moins différent. Je ne me permettrai pas d'émettre un jugement de valeur sur ce style de vie, mais par moment il peut être effrayant. Et le plus important, c'est que c'est le pays où on peut trouver les Atlantes.

Le soleil a eu le temps de faire plusieurs fois sa course céleste avant que je puisse trouver un nuage assez confortable pour pouvoir observer ce peuple avec toute l'attention requise. Cette odeur, légèrement épicée, me fait penser humm à du poisson qui mijote avec un peu de piment, du lait de coco, et quelques autres épices que moi même, malgré l'étendue de mes connaissances, ais du mal à reconnaître par leur arôme subtil et pétillant. Ce bruit me fait penser à de la musique, seraient-ils en train de préparer une fête en mon honneur ? Cela serait trop prétentieux de ma part... Ah quelle déception... ce n'est pas pour moi, mais pour remercier leurs divinités pour leur bienveillance en la saison de pêche.

Ah, tiens, je sens le petit titillement que j'ai lorsqu'une décision dont je vous parlais il y a quelque jours est sur le point de se produire. Scrutons avec plus d'attention ce village. Près de la marmite, il y a une femme : 16/20 selon mon échelle de valeur, mais bon ce n'est pas elle ; c'est dommage je suis sûr qu'elle saurait faire de bon petits plats à son mari. Oh ! Que vois-je à côté d'elle ? Un atlante vêtu d'un pagne blanc borduré d'or. Vous m'excuserez pour ces petits problèmes de langage, mais comme mes frangins et cousins, j'ai préféré faire l'école buissonnière aux cours de littérature. Il est vrai que les femmes déclenchent, pour ceux de ma condition, un désir particulièrement mystérieux auquel il est tellement difficile de résister !... Donc, comment décrire cet atlante... Disons qu'il a la posture fière d'un homme de pouvoir, mais son regard semble à cet instant soucieux. Ah non, je me trompe, ce petit rayon de soleil, béni soit-il, me montre qu'il n'est pas soucieux du tout, juste sans émotion apparente. Mais où est-ce qu'il va ? Idiot ! La fête, les femmes, l'alcool : c'est dans l'autre sens ! Ou peut être a-t-il rendez-vous avec une mystérieuse atlante ou même une humaine à la fois sensible, plantur... Concentre toi !!! C'est impressionnant cette aptitude qu'ont les femmes à nous détourner de nos devoirs. Non, ce n'est pas une femme qu'il va voir, mais un autre atlante, serait-il homo ? Oh, pourquoi je crois qu'il y a forcément une relation charnelle quand deux personnes se tiennent à l'écart d'une fête. Non, suis-je bête, c'est forcément un complot. Il est de notoriété publique que lorsque cette situation arrive, soit c'est une relation charnelle, soit c'est une rencontre secrète pour un quelconque complot. Que j'aime ça ! Quand je vais le raconter aux autres, qu'est-ce qu'on va bien se marrer. Bon concentrons nous sur cette discussion...

Le premier parle d'une équipe qui a été envoyée de l'autre côté de la mer. Hum intéressant. Ils n'ont pas de nouvelles d'eux. Ah si ! Je me souviens d'eux. Les petits atlantes qui ont été envoyés dans diverses parties de l'Empire. Ils étaient même dans le dernier sanctuaire, là où le pacte a été conclut. Mais les hommes, dans un élan de folie, les ont attaqués et vaincus. D'après ce que je sais, "l'Erzed" les a utilisé dans la fondation de sa cité. Les pauvres Atlantes : finir comme porte ou fenêtre d'une maison, ce n'est pas très glorieux ; je crois même que celui qui avait la gemme jaune a fini comme bibliothèque. Je devrais peut être les prévenir. Imaginons que je le fasse : "Eh ! Salut les atlantes ! Je suis Hermès, divinité grecque. Je suis de passage et comme je sais que vous n'avez pas de nouvelles de vos émissaires, je me suis dit que peut être vous seriez ravis d'apprendre leur mort provoquée par des hommes de l'Empire...". Et là, comment réagiraient-ils ? Comme je dis souvent, au lieu de t'embarquer dans une histoire pas possible, laisse faire le destin. Ça m'a sauvé plein de fois, imaginez quand un de mes oncles descend sur Terre pour aller faire le beau jeune homme auprès d'une femme. Je me dis, au lieu de l'accompagner : mon pauvre, je connais ma tante, et juste imaginer ce qu'elle pourrait me faire si je t'accompagne, me terrifie tellement que finalement je préfère rester en Olympe ; je tiens à la vie moi. Donc, pour revenir à nos petits atlantes, on va leur laisser la totale maîtrise de la situation.

Comme toujours avec les hommes de pouvoir, avant de prendre une décision, il faut qu'ils se réunissent en conseil. Ils n'ont pas de cran, toujours à analyser puis à agir. Moi, par moments, je trouve qu'il est plus agréable de cartonner, bastonner, puis quand on se rend compte qu'on s'est trompé, s'excuser un peu dans ce style : "Oh excuse moi, je t'ai un peu trop éclater la tronche, mais je me suis trompé, tu n'as pas trop mal au moins ?...". Généralement ça se passe bien, peut être un regard noir, mais ça ne dure jamais bien longtemps. Mais pour revenir à la situation, eux, ils préfèrent les réunions. Comme on ne sait jamais combien de temps dure un conseil, je sens que je vais aller profiter un peu de ce ragoût et ....

Ah qu'est-ce que je me sens bien... Un peu comme un romain, une fois qu'il a eu du vin, et de l'amour. Ah le hasard fait justement bien les choses : le conseil vient de se terminer, et je retrouve nos deux petits comploteurs. Vont-ils essayer de conquérir le monde ? J'en étais sûr, au lieu d'agir, que font-ils ? Ils décident d'envoyer seulement quelques émissaires à Rome pour obtenir des informations complémentaires. Franchement, une petite météorite enflammé sur Rome, ça ne serait pas classe ? Ou une pluie de sang peut être... Oh non, c'est trop sale, après il faut nettoyer. Je suis plutôt fan des météorites enflammées, au moins après il ne reste rien. Attendez... Rome... Il n'y a pas une petite taverne près des thermes ? Ah si ! Les repas y sont fameux et de plus il y a un joli paysage : toutes ces femmes qui marchent de façon harmonieuse en direction des thermes cela me... ... ... Je trouve juste dommage que l'architecte n’ait pas pensé à mettre de grandes ouvertures pour qu'on puisse se rincer l'oeil depuis la taverne, mais bon ceci est une autre histoire. Enfin... Avant de retourner à Rome, je vais profiter un peu de cette atmosphère de fête en ces lieux, mais il ne faudra pas que je traîne trop si je veux connaître la suite de l'histoire...

Hé, comment allez-vous les amis ? Je ne pensais pas vous trouver ici à Alexandrie. Vous venez aussi profiter du soleil et de la plage ?

Où est-ce que je m'étais arrêté la dernière fois ? Ah oui ! A cette fameuse taverne en face des thermes. Ah ces romains : de vrais p'tits coquins.

Donc j'ai attendu quelques jours l'arrivée de la délégation Atlante. Ah ces Atlantes, ils ont du prendre du retard pour choisir quel sera le contenu du message. La virgule, le point, l'accent, le poids des mots, enfin tout ce qui fait que la diplomatie est particulièrement désagréable. Non, ne vous inquiétez pas je ne vais pas vous refaire le refrain sur les chutes de météorites et autres cataclysmes.

Donc, pour en revenir à Rome, alors que je me baladais dans la ville à la recherche de "palais du plaisir", je suis tombé sur deux légionnaires qui discutaient à voix basse. Je ne pourrais pas vous rapporter le contenu de leurs propos, mais le sujet de la discussion concernait les rumeurs de sécession de la part de l'Afrique et de l'Egypte. Là, je me suis dit qu'il y avait une jolie bourgade pas très loin d'Alexandrie où je pourrais probablement en apprendre plus tout en profitant du soleil pour refaire mon hâle, détruit par la rigueur de l'hiver.

Chuuuut ! Vous n'entendez pas ? Je sens de l'agitation dans le quartier consulaire... Hum, l'aventure, je la sens se pointer ! Oh qui vois-je à côté du Consul ? Ne serait-ce pas l'Impératrice elle-même, fille d'Onisifia, Pharaonne de son état ? Oui je sais, vous connaissez cette filiation, mais j'aime bien étaler ma culture généalogique ; ne m'en veuillez pas...

Oh, c'est un peu risqué de sa part, mais accuser l'Empereur du meurtre de la Pharaonne - quand on connaît l'histoire - pour justifier la sécession du nord de l'Afrique et de l'Egypte vis-à-vis de l'Empire, si ce n'est pas pour augmenter son petit pouvoir personnel, je ne sais pas ce que c'est...

Ce qui est bien avec cette sécession, c'est qu'on va droit vers une guerre civile. Frangin Arès il va avoir son lot de massacres et de batailles. Je vois d'ici la réaction de l'Empereur Lucrétius : drapé dans sa toge pourpre, il s'offusquera de l'ombre portée à son image et des injustes accusations du meurtre de la Pharaonne ! Et surtout, pour le bien de l'Empire, il fera marcher ses Légions contre les renégats.

Je me demande bien qui va gagner cette petite guerre, surtout quand on sait que Lucrétius part avec un handicap majeur : les ressources agricoles se situent dans le sud et non dans le nord de l'Empire ravagé par le Fléau. Le plus marrant, enfin à mon goût, va être l'arrivée de la délégation Atlante au milieu de ce capharnaüm. Je me demande ce que va être leur réaction à ceux-là...

Bon je vais devoir vous laisser, Tonton me rappelle depuis l'Olympe ; je suis resté un peu trop longtemps dans le monde des hommes. Ne vous inquiétez pas, je continuerai à surveiller les évènements et peut être, si l'envie m'en prend, que je viendrai vous les conter...

Je déteste les lendemains de fête : j'ai toujours un de ces mal de tête (tiens j'ai fais une rime)... Ouille ! C'est comme si mes cheveux poussaient à l'intérieur de mon crâne... En plus, je parie que je dois avoir une mine affreuse ; mais quelle idée aussi j'ai eu de suivre ce couillon d'frangin ! Qu'est-ce que j'ai bien pu faire hier soir ? J'en ai aucun souvenir... Bon, essayons d'organiser nos pensées de façon à que ce soit moins douloureux et surtout moins confus. Tiens! Une bonne douche fraîche devrait me faire le plus grand bien ; justement, j'entends un bruit d'eau courante : je crois bien que la fortune me touche toujours.

Qu'est-ce ? Je ne sais pas où je me suis endormi, mais je crois bien que ça ressemble à l'antichambre d'Arès. Tous ces cadavres, ça donne envie de vomir. Espérons que l'eau courante n'est pas contaminée, j'ai besoin d'être raffraîchi moi.

Autant de corps meurtris par les combats, je n'aurais pas pensé que la guerre civile aurait tant duré ; Lucrétius doit s'en mordre les doigts... Et ce fichu mal de tête qui m'empêche de réfléchir convenablement. Prenons de la hauteur pour mieux nous situer... Hum... Cela ressemble à la côte phénicienne... Tiens ! Tel celui d'un faucon, mon oeil perçant a remarqué une bataille en cours entre ce qui semble être deux légions romaines. Je vais essayer autant que possible de vous livrer un commentaire - cela va être dur à cause de cette fichue migraine. J'ai de la chance, ce petit nuage semble bien confortable.

Attendez, le plus dur c'est de reconnaître les livrées des soldats... Allez, avec un peu de chance, ça s'équilibrera avec ma cuite : le rouge pour Lucrétius et le jaune pour l'Impératrice (limite cocu le jaune, voir poussin). L'avantage est pour le moins discutable et je le donnerai bien volonté - par galanterie - à l'Impératrice. Quant on n'y réfléchit, ça fait vraiment dispute de ménage : d'un côté l'Empereur et de l'autre l'Impératrice - heureusement tout le monde n'a pas plusieurs légions sous la main... Franchement, les romains m'étonneront toujours. Un peu comme les spartiates et les athéniens, à l'époque, qui se fouttaient sur la gueule pour la moindre chose. Arès doit être vraiment heureux par tant de massacres, cette musique, ces chocs de glaives contre les boucliers...

Je rêve ou c'est encore ma perception auditive qui est perturbée par un délicat cheveu ? Je n'entends plus rien, mais qu'est-ce qu'ils font ? Les rouges, les légions de Lucrétius, abandonnent le combat ?! C'est tout bonnement incompréhensible !? Comment une légion rompue au combat et bénéficiant de tout un entraînement guerrier, peut, alors qu'elle est en avatange durant une bataille - et sans aucune intervention de ma part ou d'une autre puissance - interrompre le combat, ses soldats se regardant, pensifs, et jetant leurs armes et boucliers ?!...

Bon, pour ma propre sécurité, et afin qu'on ne puisse pas dire que j'ai rompu le traité signé à Erzed, je vais discrètement disparaître. Bon c'est sûr que réapparaître comme ça sur l'Olympe ça va faire bizarre... Réfléchis bien et vite : où pourrais-tu te cacher ?... Loin des combats... Humm j'ai une idée : il y a bien une petite île pas très loin de Cythère où je pourrais attendre qu'on vienne me chercher pour m'apprendre ce que je viens de voir...

Ô Cythère. Ô merveilleuse Cythère. Terre bénie d'Aphrodite. Nymphes aux charmes divins. L'Olympe faite île. Tout est fait pour que ce séjour soit agréable et reposant. Ainsi ce mal de tête disparaîtra par enchantement, et de nouveau je serais en pleine possession de mes moyens.

De l’épisode phénicien, je ne retiens qu'une seule question :
« Qui a pu stopper cette guerre civile ? » ou plutôt « Qui a eu la volonté de la faire stopper ? ».
Pour avoir arrêtée une telle bataille sans effusion de sang, il faut un certain pouvoir. Heureusement, la plupart des mortels ne l’ont pas. Mais pour stopper une guerre civile en un instant, sans une seule goutte de sang versé, il faut un sacré pouvoir que peu de Puissances ont. De ma liste, on peut éliminer les divinités des différents panthéons. Pour une fois, je te remercie, Erzed, de faciliter ma réflexion. Quelques dieux n’ont pas signé le Pacte, mais ces individus n’ont pas l’intelligence suffisante pour terminer un conflit de manière aussi peu cataclysmique.
Il ne reste donc qu’un seul peuple. Et oui, avec tous les indices que je vous ai donnés précédemment, vous avez pu deviné de quel peuple il ne peut que s'agir. Ne faîtes pas l’imbécile, je vous parle d’eux depuis le début ! Allez, un petit effort ! Ce ne sont pas les barbares, ni les celtes, et encore moins les scythes. Vous me faites marcher avec les perses, non ? Allez, pour vous aider, je veux bien vous donner la premier lettre du peuple : un A. Non ; pourquoi les amazones ? Sont-elles assez puissantes pour manier une telle magie ?... Impossible. Allez, la première syllabe : Atlan … Bien ! Vous avez trouvé, ce sont bien les Atlantes.

Le meilleur moyen d’observer les conséquences de l’intervention des Atlantes n’est pas l’Égypte ou d’autres contrées, mais le Centre de l’Empire : Rome. Il sera intéressant de connaître la réaction de notre cher Empereur Lucrétius. A mon avis, il doit être furibond. Adios Nymphes de Cythère, direction la ville de Rome, et plus particulièrement l’Arène. Ces derniers temps, l’Empereur aime s’y montrer.

...

Le temps est passablement nuageux, mais j’aperçois enfin le bâtiment... L’entrée est toujours superbe, la loge impériale toujours aussi splendide. Tiens, il y a un individu qui siège à la place de Lucrétius. Où peut-il bien être notre mal-aimé empereur ? Non ?!... Quand même pas ?! Qu’est-ce qu’il fait au milieu de l’arène ? Veut-il jouer au brave ? Sans armure ? Aïe, sans Armes ? Contre 3 lions affamés ? Vous serez d’accord avec moi que ses chances de réaliser un autre mandat semblent assez compromises du coup... Une petite prière pour son âme s'il vous plaît...

Concentrons-nous donc sur l’individu qui détient le siège de l’Empereur. Je l’ai déjà vu quelque part : c’est le fameux Marcus Primus. Une petite biographie s’impose :
Marcus Primus, le héros, le barbaricide, avait violement critiqué la politique de feu l’Empereur Lucrétius concernant sa gestion de la guerre civile. Primus pensait que l’Empereur faisait passer son intérêt personnel, sous couvert de l’Unité de l’Empire, avant le besoin de satiété du peuple. Comme toujours, l’Empereur n’a pas apprécié cette formulation et a déchu le général Primus.

Le Marcus Primus, avec maintenant si peu de force (du fait des représailles Atlantes) peut-il espérer préserver l’Unité de l’Empire ? Les égyptiens, de facto indépendants, vont-ils se soumettre de nouveau à cet homme ?

D’après les rumeurs qui circulent, les premières volontés de Marcus Primus seraient de rassembler les dernières légions impériales pour stabiliser les régions qui demeurent fidèles à Rome et les aider à résoudre la famine. Je pense que pour cela il devra négocier durement avec l’Impératrice, qui sort en position de force de cette guerre...